Mgr Placide Lubamba : « Kasongo est le fief spirituel de l’Islam modéré en RDC et ceux qui tuent au nom de la religion sont des terroristes »

S.E. Mgr Placide Lubamba, évêque du diocèse de Kasongo au Centre-Est de la RDC a donné une interview exclusive à la presse de la CENCO. C’était lors

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Mgr Placide Lubamba Djibu, évêque de Kasongo

S.E. Mgr Placide Lubamba, évêque du diocèse de Kasongo au Centre-Est de la RDC a donné une interview exclusive à la presse de la CENCO. C’était lors de son passage à Kinshasa en marge de la 56ème Assemblée Plénière ordinaire des évêques de la CENCO qui a eu lieu à Kinshasa du 17 au 21 juin 2019.

Le diocèse de Kasongo érigé en 1959, fait partie de la province ecclésiastique de Bukavu. Il a une superficie de 75 365 Km2. Avec une population estimée à 1. 449.180 d’habitants dont 631.230 chrétiens catholiques.

Dans cet entretien, l’évêque de Kasongo qui fête ses cinq ans d’épiscopat à la tête de ce diocèse dont la majorité de la population est musulmane. Mgr Lubamba est, donc revenu sur un certain nombre de sujets notamment son bilan après cinq ans durant à la tête de ce diocèse, la cohabitation pacifique avec les musulmans mais aussi et surtout son point de vue par rapport au phénomène de l’ « Etat Islamique ou l’Islam radical» qui se fait signaler ce dernier temps dans la partie Est de notre pays. En outre, comme un chevronné des médias, Mgr Lubamba a répondu sans  aucune fioriture à toutes les questions qui lui ont été posées. Ci-dessous l’intégralité dudit entretien :

Diacenco : Excellence, cinq années déjà depuis votre nomination par le Saint-Père comme évêque du diocèse de Kasongo, quels sont les défis que vous avez à relever sur le plan pastoral, social et vocationnel ?

Mgr Placide Lubamba (MPL) : Cinq ans ce n’est qu’un début, il y a des choses qui ont été faites mais je crois qu’il y a encore beaucoup à faire. Il y a plusieurs défis auxquels nous devons répondre. Le premier défi, c’est celui de l’évangélisation, c’est-à-dire, il faut porter la bonne nouvelle dans tous les coins du diocèse même si nous sommes confrontés à une difficulté en ce qui concerne les voies de communication. Il n’y a pas de routes, mais nous faisons ce que nous pouvons pour rejoindre les fidèles là où ils sont. Depuis que je suis là, je fais presque le tour de tout le diocèse et très bien accueilli partout où je suis passé, donc l’évangélisation est un grand défi que nous devons répondre de manière permanente.

Le deuxième défi, c’est celui de vocation religieuse et sacerdotale. Vous voyez à Kasongo, nous cohabitons avec nos frères musulmans, il y a une grosse communauté musulmane et jusque-là les relations sont bonnes mais il y a des efforts à faire. Et nous prions le Seigneur pour qu’il puisse appeler des jeunes gens et des jeunes filles à son service. La vocation constitue un défi majeur, nous avons un certain nombre de Prêtres, du côté des Religieuses y en a aussi dans plusieurs congrégations, il y a une congrégation des Frères. Mais pour tous ces groupes, nous avons besoin des jeunes, il faut que ces groupes augmentent et que nous ayons assez des serviteurs de l’évangile.

Le troisième défi c’est celui de l’encadrement de la jeunesse, chaque année nous organisons des journées des jeunes au niveau des paroisses et tous les deux ans, des Journées diocésaines des jeunes (JDJ). Les jeunes ont leur problème mais il se fait qu’ils ont besoin d’être encadrés et nous travaillons en ce sens pour assurer leur encadrement.

Le quatrième défi c’est celui de l’auto prise en charge, l’Eglise d’Afrique d’une manière générale et le diocèse de Kasongo en particulier ont vécu de la générosité missionnaire et ils sont partis. Je crois que le moment est venu pour que ces Eglises se prennent en charge sur le plan matériel d’abord, il y a des besoins auxquels nous devons faire face mais en comptant sur nos propres forces. En ce qui concerne le diocèse de Kasongo, nous réfléchissons en termes d’unités de production. Nous avons commencé l’élevage, nous avons des champs aussi puisque nous sommes un diocèse rural donc les terres arables ne manquent pas, il y a beaucoup de possibilités de démarrer par exemple des étangs piscicoles de faire l’élevage dans toutes nos paroisses et nous insistons beaucoup sur ce point-là. Au bout de cinq ans d’épiscopat, je me dis il y a encore du chemin à faire.

Diacenco : Mgr parlez-nous un peu du diocèse de Kasongo, il y a combien de prêtres, paroisses et quel est le degré de collaboration de l’évêque que vous êtes avec les autres instituts de vie consacrée implantés dans votre diocèse ?

M.P.L : Le diocèse de Kasongo compte 52 prêtres et 16 paroisses. Ce sont des grandes paroisses divisées en diaconies. Ces dernières ont la taille des paroisses, c’est en quelque sorte des sous-paroisses, que nous appelons diaconies ou de quasi paroisses. Pour le moment, le nombre des prêtres est insuffisant et s’ils avaient été plus nombreux que le groupe qui est là, en ce moment nous irons jusqu’à 40 paroisses. Ce sont des grandes paroisses, il y a des grandes étendues. D’une paroisse à l’autre, vous pouvez facilement faire 40 ou 50 kilomètres. En ce qui concerne les instituts de vie consacrée, il n’y en a pas beaucoup. Du côté des missionnaires des hommes, nous avons les Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) et les Missionnaires Xaveriens de Parme et du côté  des congrégations féminines, nous avons les Sœurs Missionnaires de Divin Maître, les Sœurs Ouvrières de la Sainte maison de Nazareth, c’est une congrégation Italienne mais qui est basée au Burundi c’est-à-dire la grande communauté, les Sœurs de Saint Joseph  Auxiliatrice de l’apostolat ce que nous appelons les sœurs de Kalemie-Moba, et les Sœurs Franciscaines de Sola au diocèse de Kongolo. Les relations sont bonnes et moi-même c’est un défi parce que quand je passe dans des paroisses, il y a des chrétiens qui me demandent de leur trouver une congrégation religieuse et dernièrement j’ai accueilli aussi une communauté des Sœurs de Notre-Dame de Grâce de Tshilomba au diocèse de Luiza, ils sont dans une paroisse. Au point de vue personnel, nous ne sommes pas si gâté.

Diacenco : Excellence, il s’observe aujourd’hui de plus en plus la montée de l’Islam extrémiste dans notre pays et étant évêque d’un diocèse à majorité musulmane, comment entrevoyez-vous l’avenir de la cohabitation pacifique avec les musulmans dans votre diocèse ?

M.P.L : Il faut d’abord rappeler que le diocèse de Kasongo est le fief spirituel de l’islam modéré en RDC et ceux qui tuent au nom de la religion sont des terroristes.  C’est par Kasongo que les arabizains et les typos typos sont entrés. Je parle de la cohabitation et nous ne connaissons pas l’islam à la sorte. Il y a aussi un aspect très intéressant, au sein d’une même famille à Kasongo vous trouvez ce mélange, il y a des chrétiens et des musulmans qui cohabitent ensemble et il y a une philosophie. Avant d’être musulman ou chrétien, nous sommes frères voilà comment nous vivons là-bas. Ce courant extrémiste qui vient de l’étranger et les musulmans eux-mêmes sont surpris par tout ce qui se passe et tous ceux qui se racontent à la télé, les musulmans m’ont dit que ça ne peut être l’islam parce que l’islam est une religion de paix. En ce qui concerne l’islam à Kasongo même, c’est un islam modéré et nous nous cohabitons et ça fait beaucoup des années que les gens vivent dans cette harmonie-là, on n’a pas encore connu ce genre de problème.

Diacenco : Excellence, même le Pape François se montre de plus en plus ouvert à l’œcuménisme et à chaque fête musulmane (ramadan) il leur adresse un message et vous qui est à la tête d’un diocèse dont les musulmans sont majoritaires, comment vivez ce moment (ramadan) ?

M.P.L. : Je dois vous dire que nous célébrons toutes les fêtes ensemble, c’est une façon de nous socialiser. Quand nous fêtons Noël, ils viennent nous saluer et nous apportent des cadeaux et même quand eux aussi fêtent la fête de ramadan, on fait le même geste en leur endroit. Donc c’est un fait que nous partageons.

Diacenco : Lors de vos récurrentes tournées pastorales à travers le diocèse, quels sont à votre avis actuellement les besoins ou défis ressentis et qui nécessitent des réponses urgentes ?

M.P.L : Je dois dire que notre diocèse est enclavé. Le diocèse de Kasongo est dans la province de Maniema, dans le Centre-Est du pays. Qu’est-ce que je vis, je dois dire que ces prêtres que j’ai pu rencontrer là sont héroïques, puisque je vois les conditions dans lesquelles ils vivent et c’est là que je dis qu’ils comprennent leur vocation. Puisqu’il y en a qui font la visite à pied, il y a des endroits où vous n’avez pas de pistes circulables et même une moto ne passe pas, il faut faire le pied et ils font ce travail- là à pied, ils vont dans les villages saluer et servir les communautés à pied, c’est pour cela je le dis qu’ils sont à féliciter et héroïques. Il y a aussi le problème sécuritaire, nous avons les groupes armés aussi bien au nord qu’au sud du diocèse. Au nord, nous avons ces miliciens qu’on appelle « Raila Mutomboki » qui martyrisent la population et il y a beaucoup des gens qui se déplacent, vous trouvez de concentration dans les épicentres où les gens pensent qu’il y a de la sécurité. Ils abandonnent leurs villages et vont se mettre là-bas. Au sud du diocèse dans le territoire de Kabambare, Salamabila, Wabanza ce sont les « Mai-Mai Malaika ». Là aussi il y a des gens qui ont quitté leurs villages, maisons pour se déplacer dans les épicentres là où ils pensent qu’il y a la sécurité.

Diacenco : Vous êtes un des évêques membres de la Commission épiscopales de communication sociale (CECOS), quelle est votre lecture au sujet  de la communication de la CENCO ?

M.P.L : Je dois d’abord reconnaitre que la CECOS fait du bon travail et le problème reste celui de relais. En principe dans chaque diocèse, il doit avoir un point focal chargé de faire remonter l’information de la base jusqu’au centre et là nous sommes en train d’y travailler et nous en avons même discuté au cours de la plénière voir comment doter la CECOS des moyens conséquents lui permettant d’effectuer aussi des voyages à travers le pays, c’est-à-dire, aller dans les diocèses et se rendre compte des réalités. Je pense que c’est aussi un volet du travail à faire, celui de fournir les moyens à la CECOS pour qu’elle puisse faire bien faire son travail puisque jusque-là, elle fait bon travail.

Dia : Un message d’espérance à la diaspora de Kasongo éparpillée à travers le monde ?

M.P.L : Je commence par les saluer. S’ils tiennent au développement de leur coin, nous attendons leur contribution et nous encourageons à venir investir. Qu’ils imitent l’exemple de l’ancien premier ministre Augustin Matata qui, en très peu de temps, il a transformé la ville de Kindu voisine et ça je le dis et je m’assume en le disant. Alors d’autres peuvent aussi le faire et je l’encourage à aimer leur coin de provenance pour arriver à le faire développer aussi.

Propos recueillis par Junior Kitambala

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