Professeur Isidore Ndaywel : « Le combat du CLC pour la libération de notre pays ne s’arrêterait pas à un échec »

Au cours d’une interview accordée à l’agence catholique de presse DIA le modérateur du CLC, professeur Isidore Ndaywel è NZiem a expliqué les object

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Isidore Ndaywel

Isidore Ndaywel

Au cours d’une interview accordée à l’agence catholique de presse DIA le modérateur du CLC, professeur Isidore Ndaywel è NZiem a expliqué les objectifs visés par le CLC (Comité laïc de coordination) en lançant une campagne nationale contre l’usage de la machine à voter et l’état actuel du fichier électoral, considéré comme corrompu après l’audit mené par l’OIF. Il a aussi profité pour révéler le rôle qu’ont joué les laïcs catholiques de la RDC avant l’accession du pays à l’indépendance jusqu’au combat actuel du CLC en passant par la marche des chrétiens de 1992 exigeant la réouverture de la Conférence nationale souveraine. Ci-dessous, l’intégralité dudit entretien :

Le dimanche 7 octobre 2018, le CLC a procédé au lancement officiel de la signature d’une pétition invitant la population à dire non à la machine à voter. Qu’est-ce que vous visez en organisant une telle action ?

Professeur Isidore Ndaywel (P.I.N) : Bien, la pétition constitue un élément de l’ensemble et l’ensemble c’est la campagne que nous avons lancée contre la machine à voter et le fichier électoral corrompu. Nous avons choisi exprès la date du 07 octobre 2018, parce que dans le calendrier électoral, c’était la date prévue pour le début d’impression des bulletins de vote. Ce que nous voulons démontrer par la pétition, c’est la démonstration numérique qui pourrait arriver à montrer au public africain, à la communauté internationale et aux congolais eux-mêmes que la grande majorité de notre population ne veut pas de cette machine. Il n’est pas normal que les élections soient devenues chez nous pratiquement une science, alors que les gens ne demandent pas tant, ils demandent tout simplement avoir la possibilité en toute simplicité de désigner, c’est-à-dire, de voter leur nouveau président de la République, leurs nouveaux députés nationaux et leurs députés provinciaux.

Il est clair aujourd’hui que la CENI n’a pas l’intention de faire marche  arrière par rapport à l’usage de la machine à voter aux élections du 23 décembre 2018 malgré de controverses. Le CLC va-t-il recourir aux mêmes actions qu’en décembre 2017 pour faire échec à ce projet de la CENI ?

P.I.N : Nous sommes animés par l’optimisme de la volonté. Et la volonté d’estimer que notre population a droit aux élections crédibles, parce que les élections crédibles sont les seules qui peuvent garantir la paix et donc la possibilité d’aller vers un développement réel, en tout cas, d’éviter des violences post-électorales. Je pense qu’à la matière nous pouvons estimer que notre combat a quand même démontré qu’on arrive à des succès. C’est la population elle-même qui a fait en sorte qu’au niveau de ce cycle électoral qui tarde à venir, on a évité qu’il y ait plusieurs glissements notamment l’utilisation simplement du recensement préalable comme une manière de faire durer le processus. La population elle-même a lutté, a payé la vie des quelques hommes pour qu’on arrive à cette décision. Il y a eu une autre étape, le président de la république a voulu être candidat à sa succession et c’était tellement clair et visible qu’on ne peut pas mettre cela en cause. Mais nous savons que c’est à cause de la pression de la population notamment du CLC et aussi de la communauté internationale qui a récusé la CENI. Nous sommes fondés de croire que nous devons continuer ce combat et quand bien même qu’ils imposeraient ces machines et ce fichier, le combat du CLC pour la libération de notre pays ne s’arrêterait pas à un échec. Nous continuerons, lorsqu’on est en guerre, parfois il y a des échecs parfois on gagne une bataille parfois on perd la bataille, mais ce qui compte c’est la victoire finale. Et personne n’a encore déterminé quelle sera cette victoire et quand elle interviendra. Mais il y a l’assurance qu’elle interviendra parce que les chrétiens sont décidés à ce que notre pays devienne réellement un pays où il fait bon vivre, où nous pouvons vraiment aller vers un développement, un développement qui soit à la portée de tout le monde.

Que compte faire le CLC si la CENI maintenait la machine à voter au 23 décembre 2018 ?

P.I.N. : A ce sujet je ne peux pas encore déterminer ce qui sera fait mais je dois vous dire que toutes les options sont possibles comme elles l’ont toujours été dans le passé. Mais quoique nous puissions envisager, ça sera toujours de manière pacifique parce que nous savons que c’est le seul combat qui peut porter les fruits que nous escomptons. La violence contre la violence n’apporte pas un résultat qui soit chrétiennement acceptable, nous sommes donc dans la non-violence.

Quels sont les éléments de convergence et de divergence entre le combat actuel du CLC et celui des laïcs catholiques de 1992 lors de la Conférence Nationale Souveraine ?

P.I.N. : Commençons par les éléments communs, les éléments communs c’est d’abord la détermination des chrétiens, prenant l’initiative au nom de l’ensemble du peuple, d’infléchir une position injuste qui soit imposée à l’ensemble de la société congolaise. L’élément commun est celui-là. La grande différence ce que le 16 février 1992, il a suffi qu’il y ait une seule marche le 16 février pour que le pouvoir du président Mobutu change de position et puisse faire en sorte que la Conférence nationale souveraine (CNS), qui était fermée de manière unilatérale et injuste, puisse reprendre son cours normal et c’est ce qui a été fait. Nous avons fait maintenant nos trois marches, nous avons utilisé pratiquement toute l’année à insister pour qu’il y ait le changement, je peux dire que le résultat est beaucoup plus maigre qu’en 1992, parce que nous avons insisté simplement sur la décrispation politique nous sommes là entrain de constater que jusqu’aujourd’hui les partis d’opposition ne peuvent pas tenir les réunions comme les autres, on n’est pas dans une élection à égalité des chances, nous constatons que les medias officiels restent confisqués, que les prisonniers politiques demeurent toujours en prison, et nous constatons que l’exigence d’enlever la machine à voter date déjà depuis des mois, rien a changé. Depuis qu’il y a eu ce fichier électoral considéré comme corrompu à la suite de l’audit de l’OIF, nous avons demandé qu’on tienne compte des recommandations de l’OIF, mais là aussi rien mais rien n’a été fait. Dans ces conditions que pouvons-nous faire si ce n’est continuer à nous battre pour obtenir un changement parce qu’on ne peut accepter qu’une oligarchie au pouvoir prenne en otage 80 millions d’habitants, il n’y a aucune raison qu’on puisse accepter cela. Nous sommes d’ailleurs de plus en plus heureux de constater que notre opinion publique comprenne notre point de vue et on peut dire aujourd’hui que la plus part des congolais sont d’accord avec le combat du CLC.

Le CLC a-t-il définitivement renoncé aux marches pacifiques ?

P.I.N. : Il n’y a aucune raison qu’on y renonce mais comme je vous ai dit toute à l’heure, toutes les options sont sur la table. Nous ne pouvons faire les déclarations dans un sens et dans un autre, nous avons l’habitude de réfléchir avant de donner un point de vue et aussi de prendre contact avec tous nos partenaires, notamment nos propres membres qui sont nombreux dans les provinces, dans les régions apostoliques pour ce qui concerne Kinshasa, dans les doyennés, les paroisses, les C.E.V.B donc nous devons d’abord prendre leurs avis mais nous devons aussi nous rapprocher d’autres partenaires comme les mouvements citoyens, la société civile et la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), etc.

Mais nous espérons d’un grand espoir que la CENI et les autorités politiques de ce pays tiendront compte de ce qui est réclamé par la population et ce avant le début de la campagne électorale. La campagne électorale commence le 22 novembre 2018, il est entendu qu’après cela il n’y a plus rien à espérer puisque c’est la ligne droite vers les élections et s’il y a des mesures qui devraient intervenir il faudrait qu’elles interviennent avant cette date.

Comment entrevoyez-vous l’avenir du CLC après les élections ?

P.I.N. : Ecoutez, nous sommes tellement dans la gestion des urgences que nous n’avons pas eu le temps de mener les réflexions de type institutionnel mais nous notons qu’à des moments difficiles de notre société, il y a eu chaque fois émergence du CLC. J’aurai pu dire qu’il y a eu le CLC avant 1992 mais sans le mot, sans le terme si je vois ce qui s’est passé en 1956 lorsqu’on s’est approché de l’indépendance et que la situation n’était pas claire et bien un groupe des laïcs catholiques se sont regroupés pour créer ce qu’ils ont appelé « Conscience Africaine » pour prendre une position forte. C’était des laïcs et il y avait parmi eux, un certain abbé Joseph Albert Malula. C’est un peu tout à fait le scénario dans lequel nous sommes actuellement, il y a des laïcs mais il y a  aussi des clergés. Je crois qu’on peut retenir ça dans notre histoire de manière récurrente lorsqu’il y a des problèmes, les laïcs prennent le taureau par les cornes pour pouvoir aller de l’avant. Alors faudrait-il donner une formule plus définitive à cela ? On verra, mais nous constatons que notre société et spécialement notre Eglise, nos prélats ont besoin de ce qu’on pourra appeler les bras séculiers de l’Eglise, c’est-à-dire, ceux qui traduisent comme le dise le texte du cardinal qui nous reconnait comme structure : « Des gens qui peuvent traduire sur le champ socio-politique les directives pastorales ». Et traduire sur le champ socio-politique les directives pastorales, ça ne peut qu’être des laïcs mais des laïcs engagés. Voilà pourquoi, il y a là une réflexion qui doit se poursuivre.

Propos recueillis par Junior Kitambala

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