Mgr Utembi «  la Synodalité nous invite à la conversion, à changer notre manière d’être Église »

Mgr Utembi « la Synodalité nous invite à la conversion, à changer notre manière d’être Église »

Mgr Marcel Utembi affirme que ce synode est un « Kairos » ! Un moment de grâce abondante. Selon lui,  la synodalité nous invite à la conversion, à cha

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Mgr Marcel Utembi affirme que ce synode est un « Kairos » ! Un moment de grâce abondante. Selon lui,  la synodalité nous invite à la conversion, à changer notre manière d’être Église. Nous sommes appelés à marcher ensemble à la suite du Christ. Dans cette interview,  il nous donne l’essentiel du déroulement de  la première phase de la réunion synodale au Vatican.

Kinshasa, 6  novembre  2023.

En tant qu’Archevêque Métropolitain de Kisangani, Président  de la CENCO et Délégué au Synode des Évêques de la RDC,  Mgr Marcel UTEMBI  TAPA a participé à la première session du synode sur la synodalité à Rome, du 4 au 29 octobre 2023.

  1. Comment était l’ambiance générale dans les Groupes de Travail ?

Deux moments importants ont caractérisé les travaux de la XVIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques sur la Synodalité, à savoir les travaux en Assemblée générale (Congregazione Generale en italien) et les travaux en petits Groupes (Circuli Minori). Chaque petit Groupe de Travail était constitué de douze personnes (un Facilitateur et onze membres délégués ou invités du Synode). Ces petits Groupes de Travail, représentant pratiquement quatre ou cinq continents, ont été constitués sur la base linguistique des participants et en tenant compte des questions à traiter.

Au tout début, l’ambiance générale qui a prévalu fut celle de découverte mutuelle, de prise de connaissance des membres du groupe. Ensuite, ce fut vraiment une ambiance de confiance mutuelle, de convivialité, de fraternité dans le Christ Jésus, de partage, d’échange franc et en toute liberté ; bref une atmosphère familiale et ecclésiale.

  1. La méthodologie utilisée donnait-elle la possibilité à tout un chacun de s’exprimer ?

Durant les travaux en Circuli Minori, nous avons utilisé la méthode, mieux, une dynamique de discernement dénommée la « Conversation dans l’Esprit ». Cette dynamique de discernement dans l’Église synodale autour d’une question donnée comporte quatre (4) moments forts entrecoupés de quelques instants de silence et de prière.

Il s’agit de :

–           Temps de « Préparation personnelle », généralement d’une durée de cinq minutes. En se confiant au Père, en dialoguant dans la prière avec le Seigneur Jésus et en se mettant à l’écoute de l’Esprit Saint, chacun prépare sa propre contribution sur la question faisant l’objet de discernement.

–           Temps de « Prendre la parole et écouter ». Chacun prend la parole à tour de rôle, à partir de son expérience et de sa prière, et écoute attentivement la contribution des autres membres du Groupe.

–           Moment de « Faire place à l’autre et à l’Autre ». Chacun partage, à partir de ce que les autres ont dit, ce qui a résonné le plus en lui ou ce qui a suscité le plus de résistance en lui, en se laissant guider par l’Esprit Saint.

–           Moment de « Construire ensemble ». On dialogue ensemble à partir de ce qui a émergé précédemment pour discerner et recueillir le fruit de la conversation dans l’Esprit : reconnaître les intuitions et les convergences ; identifier les discordances, les obstacles et les questions supplémentaires ; laisser émerger les voix prophétiques. À ce stade, il est important que chacun puisse se sentir représenté par le résultat du travail. Il s’agit en fait de convenir : « quels sont les pas auxquels l’Esprit Saint nous appelle ensemble ? ».

La Conversation dans l’Esprit se termine par une prière finale d’action de grâce. Comme on peut le constater, cette dynamique d’écoute et de discernement en commun donne à chaque membre du Groupe de Travail la possibilité de s’exprimer, d’apporter sa contribution dans l’examen d’une question donnée.

  1. Le thème sur la Synodalité est-il d’actualité face aux défis de l’Église catholique ?

La XVIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, s’étendant sur la période allant d’octobre 2021 à octobre 2024, a pour thème : « Pour une Église synodale. Communion, participation, mission ». Ce thème répond véritablement au besoin fondamental que l’Église ressent aujourd’hui : celui de MARCHER ENSEMBLE à la suite du Christ vers le salut, la vie éternelle. Marcher ensemble, c’est-à-dire faire synode, est la manière de devenir vraiment disciples et amis de ce Maître et Seigneur qui a dit de lui-même : « Je suis le chemin » (Jn 14, 6). Aujourd’hui, cela constitue également un désir profond : après l’avoir vécu comme un don, nous continuons à faire ce chemin, conscients qu’il sera pleinement accompli au dernier jour, lorsque, par la grâce de Dieu, nous ferons partie de cette foule que le Livre de l’Apocalypse décrit ainsi : « Voici une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. Et ils s’écriaient d’une voix forte : ‘Le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le Trône et à l’Agneau’ » (Ap. 7, 9- 10).

Il convient de noter que le thème de synodalité, ayant paru au départ comme une notion abstraite ou théorique, commence à s’incarner dans une expérience concrète. De l’écoute du Peuple de Dieu émerge une appropriation et une compréhension progressives de la synodalité.  L’Église de notre temps a de plus en plus besoin d’écoute de l’Esprit, ainsi que des uns  et des autres. Le point de départ de la synodalité consiste en cette disponibilité à entrer dans un processus dynamique constructif, respectueux et priant de Parole de Dieu, d’écoute et de dialogue humanisant et respectueux de la dignité baptismale des uns et des autres.

  1. À l’ouverture du synode, le Pape François avait demandé aux participants d’adopter un climat de silence et d’écoute. Est-ce que cette attitude a favorisé un bon déroulement des travaux ?

Le climat de silence et d’écoute est indispensable pour l’intériorisation et la concentration d’esprit et de corps dans la planification, la réalisation d’une activité ou d’un projet. Il ne s’agit donc pas d’un silence creux, vide de contenu. Il s’agit plutôt d’un silence habité, de prière, qui dispose à se mettre à l’écoute de l’Esprit et des uns et des autres. Le Pape François a voulu que les participants au synode se concentrent sur l’essentiel : Dieu et les questions à discerner au synode. Effectivement au cours de cette assemblée synodale, l’atmosphère de prières, de concentration à l’essentiel, en se mettant même à l’abri de nombreuses sollicitations des journalistes et des médias cherchant à tout prix à arracher des informations sur les matières traitées en Groupe de Travail ou en assemblée générale, a permis et favorisé un bon déroulement des travaux.

  1. Pour la première fois, les femmes et les laïcs ont participé au synode. Quel est votre commentaire à ce sujet ?

Il convient de préciser que des femmes et des laïcs ont déjà participé, par le passé, aux assemblées synodales et ce, comme invités spéciaux ou experts dans un domaine précis, mais sans le droit de vote. Cette fois-ci, des laïcs hommes ou femmes, consacrés ou non, ont pris part active aux travaux du synode avec le droit de vote.

Devant cette situation, des questions se sont posées sur la nature même du Synode des Évêques. La participation des membres autres que ceux revêtus du caractère épiscopal n’altère-t-elle pas la nature du Synode des Évêques ? À ce niveau, ne faudrait-il pas parler simplement d’une Assemblée ecclésiale au lieu de Synode des Évêques exclusivement réservé aux participants Évêques ? La Secrétairerie Générale du Synode des Évêques a éclairé la lanterne des uns et des autres à ce sujet en précisant que la participation des non Évêques au Synode des Évêques, en tant qu’invités spéciaux ou experts, même avec droit de vote, ne remet pas en cause la nature intrinsèque du Synode des Évêques en tant qu’Assemblée des Évêques comme organe de consultation du Saint-Père sur des questions importantes de l’Église universelle.

La présence de laïcs, hommes et femmes, consacrés ou non, dans l’assemblée du Synode des Évêques, tout en conservant son caractère éminemment épiscopal, a bien voulu manifester à cette occasion le lien intrinsèque entre la dimension synodale de la vie de l’Église (la participation de tous), la dimension collégiale (la sollicitude des Évêques pour toute l’Église) et la dimension primatiale (le service de l’Évêque de Rome, garant de la communion). Il sied de reconnaître que la contribution des laïcs, hommes et femmes, a été substantielle et édifiante dans la perspective de l’Église synodale, appelée à compter sur l’apport de tous.

Au cours de cette assemblée synodale, nous avons véritablement fait l’expérience de la beauté de la complémentarité et de la réciprocité entre les femmes et les hommes. Les femmes, on le sait, constituent la majorité des fidèles et sont souvent les premières missionnaires de la foi au sein de la famille. Les femmes consacrées dans la vie contemplative et apostolique constituent un don, un signe et un témoignage d’une importance fondamentale parmi nous. Leur participation au synode a été une valeur ajoutée, un enrichissement dans la compréhension de la nature et de la mission de l’Église.

  1. Quelles sont vos attentes en matière de synodalité en rapport avec l’Église catholique en République Démocratique du Congo ?

De manière générale, la pratique de la synodalité, de « marcher ensemble », se vit dans l’Église-Famille de Dieu en RD Congo. Les Communautés Ecclésiales Vivantes (CEV), les Conseils paroissiaux, les Conseils diocésains, les Mouvements d’actions catholiques, les associations des fidèles, les assemblées épiscopales provinciales et nationales (Comité Permanent et Assemblée Plénière de la CENCO), la Conférence des Supérieurs Majeurs (COSUMA), etc., constituent des lieux privilégiés où se pratique, dans une large mesure, l’expérience de marcher ensemble.

La synodalité, dans la composition et le fonctionnement des organes dans lesquels elle prend forme, a pour finalité la mission. La coresponsabilité est au service de la mission. À la lumière de Lumen Gentium et Evangelii Gaudium, cette coresponsabilité de tous dans la mission doit être le critère qui sous-tend la structuration des communautés chrétiennes et de l’Église locale toute entière, avec tous ses services, dans toutes ses institutions, dans tout son organisme de communion (cf. 1 Co. 12, 4-31). La juste reconnaissance de la responsabilité des laïcs pour la mission dans le monde ne peut devenir un prétexte pour attribuer aux seuls Évêques et prêtres le soin de la communauté chrétienne.

La composition de différents conseils de discernement et de décision d’une communauté missionnaire synodale doit prévoir la présence d’hommes et de femmes au profil apostolique, qui se distinguent avant tout par un authentique témoignage évangélique dans les réalités les plus ordinaires de la vie.

Sur la base de la conception du Peuple de Dieu comme sujet actif de la mission d’évangélisation, il est vivement recommandé que soient obligatoirement constitués des Conseils pastoraux dans les communautés chrétiennes et les Églises locales. Les Organes de participation devraient être renforcés, avec une présence adéquate d’hommes et de femmes laïcs, avec l’attribution des fonctions de discernement en vue des décisions véritablement apostoliques.

  1. Le synode a insisté sur le défi de la coresponsabilité dans l’Église pour prêtres, laïcs, religieux et religieuses. Que faire pour éviter les conflits dans l’exercice des rôles ?

La coresponsabilité dans la mission est constitutive de l’Église synodale. Pour éviter les conflits dans l’exercice des rôles, il est important de reconnaître et de respecter la place de chacun et son domaine d’intervention dans la communauté ecclésiale. L’Évêque diocésain, en tant que principe visible et fondement de l’unité dans l’Église locale qui lui est confiée, veillera à ce que l’exercice de la coresponsabilité se fasse dans l’harmonie et en esprit de service.

L’évêque est, dans son Église, le premier responsable de la proclamation de l’Évangile, de la liturgie et de l’organisation des communautés de fidèles. Il dirige la communauté diocésaine. En tant que principe visible d’unité, il a notamment pour tâche de discerner et de coordonner les différents charismes et ministères suscités par l’Esprit pour l’annonce de l’Évangile et le bien commun de la communauté. Ce ministère se réalise de manière synodale lorsque la gouvernance s’exerce dans la coresponsabilité.

  1. Le synode a insisté sur la valorisation de la contribution des femmes dans l’Église. La CENCO ne doit-elle pas aussi fournir des efforts en ce sens ?

La Conférence Épiscopale Nationale du Congo est à féliciter, au stade actuel, pour la valorisation de la contribution des femmes dans l’Église, en particulier dans ses structures. La présence de femmes dans les institutions et services de la CENCO est significative : dans les services administratifs et techniques du Secrétariat général, dans les Secrétariats des Commissions épiscopales, dans les organes de l’Université Catholique du Congo, etc. En outre, dans les diocèses, au niveau des paroisses, les femmes prennent une part active dans la vie de l’Église.

Cependant, dans la perspective de « Duc in altum », il y a lieu de faire davantage. Leur présence pourrait être renforcée dans le processus de discernement, dans les responsabilités administratives et ce, en tenant compte de leur compétence et de leur probité.

  1. En quelques mots, que retenir de ce synode ?

L’Église synodale est celle qui se met à l’écoute de tous, qui promeut le discernement communautaire, et qui favorise la participation de tous, la coresponsabilité dans l’exercice de la mission du salut !

La première session de la XVIe Assemblée synodale ordinaire des Évêques vient d’être célébrée. Nous nous préparons à la célébration de la seconde et dernière session prévue pour octobre 2024. Dans les prochains jours, la Secrétairerie Générale de cet organisme du Siège Apostolique mettra à notre disposition quelques orientations pour approfondir des questions traitées dans la première session. En attendant, j’invite les fidèles à la prière pour le Saint-Père et pour les besoins de l’Église toute entière.

Propos recueillis par Sœur Aimée MUSENGA Journaliste,  pour le Journal DIA CENCO.

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