Mgr Madila : « L’Eglise parle de la paix non pas parce qu’elle veut, mais parce qu’elle en a reçu mandat »

Mgr Madila : « L’Eglise parle de la paix non pas parce qu’elle veut, mais parce qu’elle en a reçu mandat »

Mgr Marcel Madila, Archevêque métropolitain de Kananga et Président de l’Association des Conférences épiscopales d’Afrique centrale (ACEAC), a présidé

Pour un fort impact de la Doctrine sociale de l’Eglise en Afrique centrale
Communiqué de presse à l’issue de la 13ème Assemblée Plénière de l’ACEAC du 24 au 26 juin 2019 à Kinshasa (RD CONGO) au Centre d’Accueil Caritas
RD Congo : Mgr Marcel Madila porté à la tête de l’ACEAC

Mgr Marcel Madila, Archevêque métropolitain de Kananga et Président de l’Association des Conférences épiscopales d’Afrique centrale (ACEAC), a présidé, le jeudi 7 juillet 2022 au centre d’accueil de Caritas à Kinshasa, l’eucharistie marquant l’ouverture de la 14ème réunion statutaire de cette structure de l’Eglise africaine. L’évêque s’est basé sur le livre du prophète Osée (11,1-4.8-9) et l’évangile selon Mathieu (10,7-15). L’agence Dia publie ci-dessous l’homélie de l’archevêque métropolitain de Kananga.  

ASSEMBLEE PLENIERE DE L’ACEAC

Du 7 au 9 juillet 2022

MESSE D’OUVERTURE

Homélie de Mgr Marcel Madila Basanguka

« Sur la route proclamez que le Royaume des Cieux est proche » (Mt 10, 7)

 

Frères et sœurs,

Dans ce passage de l’évangile de saint Matthieu, Jésus envoie ses disciples en mission ; et il leur donne des consignes à suivre pour vivre la mission. La mission, c’est se mettre en route et, chemin faisant, entrer dans des maisons, y demeurer ou/et partir à nouveau, d’aller au-devant des autres rencontres. L’apôtre où le missionnaire est présenté comme un pèlerin, un itinérant, un voyageur. Ce statut lui impose quelques attitudes propres à sa condition de pérégrinant. Au temps de Jésus, la mission se faisait à pied. Jésus lui-même n’est monté sur un âne qu’une seule fois, lors de son entrée triomphale à Jérusalem, peu avant sa passion, sa mort et sa résurrection. Les voyages à pied, nous le savons bien, exigent qu’in ne soit pas trop encombré, pas de grosses charges si l’on veut aller vite et loin. Cela est d’autant plus important que le message est urgent. Il y a une spiritualité de la marche qui nous rappelle le caractère éphémère et provisoire de notre condition mortelle et nous stimule à nous concentrer sur l’unique nécessaire, sur l’essentiel. La marche nous fait savourer la liberté, nous engage à l’ouverture et nous dispose à la rencontre de l’autre, de l’étranger, de l’inattendu, de l’inouï, peut-être.

A ceux qu’il envoie, Jésus donne ces recommandations qui résonnent comme des impératifs : proclamez, guérissez, purifiez, ressuscitez, expulsez, donnez, ne prenez rien pour vous, informez-vous, demeurez, saluez, secouez, quittez. Ce sont des actions à accomplir dans l’urgence du royaume qui vient, plus ou moins difficiles à réaliser. Ces actes sont orientés vers tous, concernent chaque ville ou village où les apôtres seront reçus et où l’évangile est annoncé : elles signifient la présence même du règne de Dieu.

Pour réussir la mission que Jésus nous confie, il faut se laisser conduire par la logique du don : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (v. 8). Saint Paul l’avait bien compris quand il annonçait la bonne Nouvelle aux Corinthiens et enseignait ce qu’il avait lui-même reçu : « Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures » (1 Co 15,3) : il n’y a rien faire ni à donner en dehors de ce que nous avons déjà accueilli et reçu. Voilà qui est rassurant parce que cela nous décentre de nous-même, d’un certain savoir ou savoir-faire personnel et surtout cela nous fait des « passeurs ». Il n’y a rien à garder pour soi, mais tout est à donner jusqu’au dépouillement suprême de se donner soi-même, comme le Christ l’a fait, nous laissant ainsi l’exemple de l’absolu de l’amour. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». (Jn 15, 13).

La mission est de l’ordre du don exactement la loi comme la foi que nous avons reçue. Elle suppose la liberté (le détachement) et la disponibilité de ceux qui la vivent : ne pas être encombrés pour ne pas encombrer ceux et celles que nous rencontrons. La parole qui est dite en premier est d’abord « Shalom », c’est-à-dire la parole de la paix, à la manière de Jésus qui s’adresse à ses disciples le jour de la résurrection, en disant : « La Paix soit avec vous ! ».

Cette salutation, la liturgie la met dans la bouche de l’évêque quand il ouvre la célébration de la messe. De même quand un prêtre apporte la communion à un malade, il dit : « Que la paix du Seigneur vienne dans cette maison ! ». Ce que Jésus nous demande, c’est d’être des messagers de paix, des hommes de paix. Ainsi que je le disais dans mon message du 8 septembre 2020, nous, les évêques, nous avons vocation à être les « sentinelles de la paix », les gardiens de la paix, particulièrement dans cette région des Grands-Lacs, en proie à des turbulences et des conflits récurrents. Aujourd’hui, encore, alors que le bruit des bottes s’amplifie aux frontières de nos pays (du Rwanda et de la RDC), il convient de nous rappeler que nous avons un rôle à jouer, une parole à dire, une mission à accomplir, des actes à poser.

La paix, c’est l’autre nom de Dieu. Dieu est paix parce qu’il est amour. C’est ce que suggère la première lecture que nous avons entendue. Renonçant à détruire Israël qu’il a chéri depuis l’enfance, le Seigneur déclare : « Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer ». Ainsi, qui veut la paix doit chercher Dieu ; et Dieu est là où est la charité : « Ubi caritas et amor, Deus ibi est ».

L’Eglise parle de la paix non pas parce qu’elle veut, mais parce qu’elle en a reçu mandat, parce que c’est sa charge, son devoir et sa mission propre. « Je vous donne la paix ; je vous laisse ma paix », dit Jésus à ses apôtres. La paix est l’une des caractéristiques essentielles du Royaume, en même temps que la justice, la vérité et l’amour. C’est ce monde nouveau que le psalmiste évoque quand il dit (dans l’euphorie du retour de l’exil à Babylone) : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent » (Ps 84/85,11).

Certes, c’est en temps de conflit et de guerre que nous ressentons cruellement le besoin de la paix, mais l’absence de la guerre n’est pas forcément synonyme de paix, car le siège de la paix, c’est le cœur de l’homme : est source de paix un cœur qui aime et qui pardonne, un cœur qui a soif de justice, un cœur humble et pauvre ; bref un cœur converti, réconcilié avec Dieu, marqué par le feu de l’Esprit Saint. Voilà pourquoi Jésus ressuscité fait à ses disciples à la fois le don de la paix et de l’Esprit Saint. Dès lors, de même qu’elle est guidée par l’Esprit Saint, l’Eglise est la maison de la paix, en tant qu’elle se modèle sur la Jérusalem d’en haut, la cité sainte celle vers laquelle nous cheminons comme vers notre ultime destinée. Mais déjà, la dynamique du don, caractérisé par la gratuité, crée ces liens, suscite des sentiments de fraternité et d’amitié, déchaîne le cœur de l’homme et le transforme en le rendant capable d’accueillir et d’entrer dans cette vie nouvelle sans laquelle un monde plus pacifique ne saurait advenir. A nous tous, aujourd’hui, comme jadis aux fils d’Israël, le prophète Osée adresse cette pressante invitation : « Il est temps de chercher le Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne répandre sur nous une pluie de justice et de paix. (Os 10,12) ». Saurons-nous y répondre ? Amen !

Mgr Marcel Madila Basanguka    

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