Kinshasa : Des morts se disputent les tombes dans certains cimetières

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Chaque année, la République démocratique du Congo commémore le 1er août la Journée nationale dédiée aux morts dans la matinée et la fête des parents dans l’après-midi. Pour cette année 2019 à Kinshasa, les membres des familles se sont mobilisés pour fréquenter les cimetières, lieu où reposent pour l’éternité les membres des familles. Ce jour des morts a été une occasion pour les familles de refaire la propreté et rendre ces lieux à l’état de salubrité de plus recommandé. La tradition oblige !

La Nécropole entre terre et ciel à Nsele

Beaucoup se sont déplacés dans les différents cimetières de la capitale, notamment au cimetière de la Gombe, à la Nécropole, à Benseke-Futi nouvelle cité, à Kinkole, où ils ont retrouvé facilement les tombeaux de leurs membres de famille décédés. Par contre, aux cimetières de Kintambo, de Mikonga, de Kinsuka, de Kinseso et autres, le cas a été surprenant, beaucoup de tombes sont menacées par les fossoyeurs en quête d’espaces pour enterrer de nouveaux corps.

Sauf des fosses recouvertes d’une dalle de pierre ou de marbre sont protégées. Mais les alentours de toutes les tombelles d’à côté sont creusées pour recevoir d’autres corps. De morts disputent les tombes. De nouveaux venus enterrés occupent illégalement les parcelles des anciens, morcelées sans leur autorisation. C’est pourquoi, ceux qui veulent garder les tombes de leurs proches ne tardent pas à y construire le tombeau.    .

Cimetière de Kintambo, un charnier où les cercueils avec leurs corps sont interposés

Pour ce 1er août 2019, nous nous sommes intéressés de la situation de cimetière de Kintambo qui fut 2e de la ville de Kinshasa après celui de la Gombe, réservé aux riches, à la classe bourgeoise. Il recevait les morts issus d’une certaine classe sociale aussi huppée, venus des 24 communes de la capitale. Fermé et rouvert pour la protection des concessions de particuliers, cette nécropole ne représente plus, depuis une certaine époque, sa position parmi les cimetières de Kinshasa. Il est devenu un lieu où n’importe qui peut faire sa loi alors qu’il y a une équipe des agents du ministère provincial de l’Intérieur, décentralisation et sécurité commis à son administration.

Cimetière de Kintambo, les espaces sont à chercher par tout le moyen

Aujourd’hui, Kintambo ressemble à un charnier où les cercueils avec leurs corps sont interposés. Selon les habitants de quartiers qui entourent cette grande concession réservée aux morts, on continue à enterrer chaque jour alors que toute l’étendue est déjà pleine comme un œuf. Effectivement, l’information reste vraie.

Nous sommes descendus sur le terrain pour une vérification à la source. De là, nous nous sommes rendu compte que ce cimetière est ouvert pour expédier les affaires courantes. C’est-à-dire, aider les familles des disparus à retrouver les tombes de leurs à partir des documents administratifs. Malheureusement, cette ouverture a donné l’occasion aux jeunes sans travail pour l’inhumation frauduleuse de morts avec, bien sûr, la complicité de l’administration du cimetière.

Pour avoir de précisions, nous avons approché l’ancien Préposé de ce cimetière, Mr Lemonde. Un homme plein d’expérience en matière de gestion de cimetière dans la ville de Kinshasa, Lemonde est une bibliothèque qu’il faut consulter pour les informations précises sur le fonctionnement de ce columbarium.

Nous recevons les visiteurs sous l’arbre, par manque d’abri…

Lemonde s’est exprimé en ces termes : « Ce cimetière a été fermé à maintes reprises par les autorités de la ville province de Kinshasa ayant en charge ces attributions. L’un des gouverneurs précédents avait ordonné la fermeture et quelques temps après, il a donné l’ordre de rouvrir pour que nous puissions expédier les affaires courantes d’une manière administrative.

Au cimetière de Kintambo, les vivants et les morts cohabitent

Surtout lorsque le cimetière était fermé, les gens inhumaient frauduleusement leurs morts ici sans l’accord de ceux qui l’administraient. Si on a autorisé sa réouverture, c’est surtout pour la protection des concessions de certaines familles achetées pour l’enterrement de leurs morts. C’est un acquis et elles en ont droit.

De continuer, Mr Lemonde a déploré comment l’administration du cimetière de Kintambo fonctionne sans abri : « Voici comment nous sommes restés, sans bâtiment pour nous abriter, les deux bâtisses qui étaient ici ont été détruites. L’une était pour les bureaux et toilettes et l’autre était une salle où l’on conservait les morts qui sont arrivés au cimetière tard et que l’on ne peut pas inhumer après 17h. Mais aujourd’hui, voici comment nous sommes restés. Nous recevons les gens sous l’arbre protégé par les murs de l’ancienne bâtisse. Nos archives, le peu qui nous reste, sont gardées à la Division urbaine du ministère de l’Intérieur, décentralisation et sécurité car nous ne disposons pas d’un endroit approprié pour la conservation. C’est pourquoi, la statistique semble difficile à vous donner, bien que nous la fassions mensuellement et annuellement. »

… On continue à enterrer, s’il faut dire la vérité…

On a rendu visite aux morts qui ont de tombeaux

Un homme intègre par ses déclarations, Lemonde poursuit : « Pour vous donner un peu de lumière sur les actuelles inhumations, personne ne peut nier qu’on enterre les morts. On le fait, s’il faut dire la vérité. Mais ce n’est pas comme on le dit que les cercueils sont interposés, non. Les fossoyeurs creusent l’espace compris entre deux tombes et non sur une ancienne. Si cela arrive, les coupables sont ceux qui se trouvent sur le terrain. Regardes, ce chemin qui traverse le cimetière, pour ceux qui ne le savent pas, ils vont croire que c’est un espace vide alors qu’il y a des personnes qui sont enterrées. Beaucoup nous demandent pour qu’on leur donne ces espaces. Mais lorsque nous leur disons que les gens sont ensevelis là-bas, ils en doutent ! »

… Militaires et policiers sont exigeants et capables de tout…

Monsieur Lemonde dénonce les tracasseries des agents en uniforme : « Le cas qui nous dépasse, c’est celui des militaires et policiers qui ne croient jamais à la saturation de cimetière de Kintambo. Ces derniers sont exigeants et capables de tout. Même si la personne morte n’est pas de sa famille, il prend le devant, suite à ses arrangements avec la partie éprouvée. Et, lorsqu’ils arrivent ici au cimetière, ils n’ont des instructions à recevoir du personnel du bureau qu’ils ont trouvé sur place. »

… Les jeunes du Camp Luka enterrent en désordre …

Les jeunes de camp Luka très actifs au cimetière de la Kintambo

Autre chose, renchérit Lemonde, c’est le groupe de jeunes du Camp Luka qui a envahi ce cimetière par manque de travail. Ces derniers courent derrière les passants à la recherche d’un marché. Il suffit seulement de voir de membres d’une famille s’approcher du cimetière, ils les abordent directement pour conclure et le bureau ne sera informé qu’après. Etant donné que le corps du patriote est déjà sur place, on ne peut pas renvoyer le cercueil et ils finissent par l’enterrer.

Pour conclure, je vous dis que l’administration ne tourne plus dans notre pays, à voir ce qui se passe, on a horreur de dire qu’on est fonctionnaire administratif. Est-ce qu’un minibus qui fait le transport en commun doit-il transporter les morts alors que les corbillards sont fait pour ce travail ?

Même l’administration communale reste incapable à donner les statistiques des pompes funèbres de sa juridiction. Je vois mal comment on peut dire que l’Etat n’a pas de moyens alors que ce même l’Etat est capable de créer des sources financières qui peuvent générer de grosses recettes.

Equiper chaque commune de cinq corbillards ou plus et interdire les taxis-bus et les gros véhicules à transporter les morts seraient aussi un moyen de générer de recettes. De bonnes idées sont là, mais comment les mettre en pratique au moment où le bureau du cimetière manquait même une chaise en plastique. Ces chaises que vous voyez date de plusieurs années et regardez l’état dans lequel elles se trouvent.

… Un montant à convenir entre les deux parties.

Cimetière de Kintambo, un artiste s’est rendu

Selon les jeunes gens désœuvrés qui fourmillent tout autour du cimetière, ils enterrent les morts moyennant un montant à convenir entre les deux parties avec l’accord du bureau.

« L’administrateur est au courant de toutes opérations qui se passent au cimetière », nous a dit un des jeunes fossoyeurs avant de conclure en ces termes : » C’est l’administration du cimetière qui nous donne les ordres et souvent, le bureau est sur le terrain de peur qu’on ne le trompe. Mais, la nouvelle préposée est sur place au bureau, elle ne se déplace pas.»

Avec l’autorisation de l’ancien ministre provincial de l’Intérieur, décentralisation et sécurité, le cimetière de Kintambo continue à recevoir les morts et les espaces sont à chercher scrupuleusement, nous confirme un autre jeune homme, trente-cinq ans révolu.

Gel Boumbe   

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