Une guerre diplomatique entre Bruxelles et Kinshasa, Pascal Couchepin (OIF) : Le Gouvernement congolais veut punir les Congolais et non le Schengen, ni la Belgique

Les relations diplomatiques entre Bruxelles et Kinshasa semblent ne plus être au beau fixe. La tension vient d’atteindre un nouveau palier. Dans sa no

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Les relations diplomatiques entre Bruxelles et Kinshasa semblent ne plus être au beau fixe. La tension vient d’atteindre un nouveau palier. Dans sa note réceptionnée à Bruxelles, le Ministre congolais des Affaires étrangères She Okitundu demande à la Belgique de mettre fin aux activités de la nouvelle agence belge de développement (Enabel) qui a remplacé la coopération technique belge (CTB).

Maison Schengen

Une vue de la Maison Schengen à Kinshasa

Tout comme le démantèlement du dispositif consulaire appelé « Maison Schengen » installée à Kinshasa à côté de l’école belge qui traite pour le compte de plusieurs pays européens (Belgique, France, Portugal, Autriche, Finlande, Luxembourg et Pays Bas) les dossiers des Congolais demandeurs de visa. Fonctionnant depuis 2010, la « Maison Schengen » est gérée par des fonctionnaires belges qui contrôlent donc le « sas » d’entrée vers la zone Schengen.
Il s’agit non pas d’une institution belge, mais d’un guichet unique pour la délivrance des visas de 17 pays de l’espace Schengen, 16 pays de l’UE comme la France, la Belgique ou l’Allemagne auquel s’ajoute la Norvège, tous concernés par cette décision. Une décision qui, selon Bruxelles, pourra affecter la délivrance de ces visas pour les ressortissants congolais.

Dans une analyse de Collette Braeckman, on se rappelle, à l’époque du Maréchal Mobutu, au début des années 90, la Belgique, « maillon faible » mais influent du « front occidental », se voyait soupçonnée de soutenir l’opposition alors qu’elle plaidait pour la démocratisation. Mais le régime de Kinshasa la considérait comme une caisse de résonance de l’opposition et la voyait mener une coopération inefficace voire paternaliste car conditionnée par le respect des droits de l’homme. Si certains acteurs du régime Mobutu, aussi cyniques aujourd’hui qu’hier, ont repris du service auprès du président Kabila, d’autres personnalités, comme She Okitundu, alors en exil, étaient à l’époque parmi les plus ardents défenseurs des valeurs démocratiques, réclamées aujourd’hui par les Congolais.

Le VPM She Okitundu, auteur de la lettre

Les uns et les autres, à Bruxelles comme à Kinshasa, feraient bien de se souvenir de quelques enseignements du passé : réclamée par Mobutu, appliquée avec zèle par Bruxelles, la suspension de la coopération avait une seule victime et de taille, la population congolaise. Pire encore, la rupture avec la Belgique, désavouée par une population attachée à ses « oncles », accéléra la fin du long règne de Mobutu. Faute d’une solution politique négociée à Kinshasa et soutenue par Bruxelles, c’est la voie militaire qui l’emporta et le Congo, aujourd’hui encore, pleure ses millions de morts.

L’annonce faite, le 10 janvier dernier, par la Belgique, d’une révision de la coopération belge au Congo et plus particulièrement de l’aide financière au gouvernement congolais, pour un montant de 25 millions d’euros est aujourd’hui à la base de cette réaction du gouvernement Congolais. Selon la Belgique, il était prévu de réaffecter cette somme à l’aide humanitaire et à d’autres initiatives répondant aux besoins de la population. Si la réaction congolaise se traduit par la fermeture d’Enabel, elle pourrait mettre en péril la coopération belge toute entière, dont le montant total s’élève à 105 millions d’euros par an et qui se déploie dans de nombreux projets très concrets notamment la remise en état des routes de desserte agricole.

Visa Schengen

Visa des Etats Schengen

La lettre de la diplomatie congolaise à la Belgique affirme que la coopération belge n’est « ni indispensable aux autorités congolaises ni vitale pour la population ». Elle ajoute que « certains partenaires mieux disant peuvent par contre aligner à vue d’œil des réalisations que tant la population que les autorités congolaises utilisent avec satisfaction au quotidien ».

Le texte issu du Ministère des affaires étrangères congolais assure que la coopération belge, au lieu d’être axée sur le renforcement des structures de base pour accompagner le décollage économique du pays, serait plutôt réduite aux interventions humanitaires ponctuelles, pour ne pas dire philanthropiques, paternalistes voire missionnaires… ». Ladite missive se termine par « souverainiste » assurant en substance que la RDC demeure désireuse d’entretenir des relations avec des partenaires respectueux des principes d’égalité et de non-ingérence dans les affaires internes des Etats.

A l’époque du Maréchal Mobutu comme aujourd’hui, sous régime Kabila, Kinshasa considère Bruxelles comme une caisse de résonnance de l’opposition congolaise. Le gouvernement congolais estime plus largement que la Belgique joue de son influence et de la présence de ses diplomates à des postes clés pour tenter d’influencer la position de l’Union européenne à l’égard de la RDC. C’est pourquoi, au-delà de la décision de réaffecter 25 millions d’euros, Kinshasa reproche à la Belgique d’avoir pris sa décision et de l’avoir rendue publique sans concertation préalable.

Nouveau batiment Ambassade Belge

Nouvelle ambassade Belge à Kinshasa

Le constat à Bruxelles est que d’autres pays de l’Union européenne, dont la France et l’Espagne se montrent moins radicaux, peut- être en espérant limiter les dégâts devant d’autres mesures de rétorsion congolaises, comme la suspension des vols de Brussels Airlines.

Selon Bruxelles, ses décisions sont inspirées moins par une éventuelle sympathie à l’égard de l’opposition congolaise comme ne cesse le croire Kinshasa. C’est par l’émotion que suscite en Belgique la répression des manifestations des catholiques dont le seul « crime » est de réclamer, dans la non-violence, que soient libérés les prisoUne guerre diplomatique entre Bruxelles et Kinshasa

Pascal Couchepin (OIF) : Le Gouvernement congolais veut punir les Congolais et non le Schengen, ni la Belgique
Les relations diplomatiques entre Bruxelles et Kinshasa semblent ne plus être au beau fixe. La tension vient d’atteindre un nouveau palier. Dans sa note réceptionnée à Bruxelles, le Ministre congolais des Affaires étrangères She Okitundu demande à la Belgique de mettre fin aux activités de la nouvelle agence belge de développement (Enabel) qui a remplacé la coopération technique belge (CTB).

Tout comme le démantèlement du dispositif consulaire appelé « Maison Schengen » installée à Kinshasa à côté de l’école belge qui traite pour le compte de plusieurs pays européens (Belgique, France, Portugal, Autriche, Finlande, Luxembourg et Pays Bas) les dossiers des Congolais demandeurs de visa. Fonctionnant depuis 2010, la « Maison Schengen » est gérée par des fonctionnaires belges qui contrôlent donc le « sas » d’entrée vers la zone Schengen.
Il s’agit non pas d’une institution belge, mais d’un guichet unique pour la délivrance des visas de 17 pays de l’espace Schengen, 16 pays de l’UE comme la France, la Belgique ou l’Allemagne auquel s’ajoute la Norvège, tous concernés par cette décision. Une décision qui, selon Bruxelles, pourra affecter la délivrance de ces visas pour les ressortissants congolais.

Passeport congolais

Passeport biométrique Congolais

Dans une analyse de Collette Braeckman, on se rappelle, à l’époque du Maréchal Mobutu, au début des années 90, la Belgique, « maillon faible » mais influent du « front occidental », se voyait soupçonnée de soutenir l’opposition alors qu’elle plaidait pour la démocratisation. Mais le régime de Kinshasa la considérait comme une caisse de résonance de l’opposition et la voyait mener une coopération inefficace voire paternaliste car conditionnée par le respect des droits de l’homme. Si certains acteurs du régime Mobutu, aussi cyniques aujourd’hui qu’hier, ont repris du service auprès du président Kabila, d’autres personnalités, comme She Okitundu, alors en exil, étaient à l’époque parmi les plus ardents défenseurs des valeurs démocratiques, réclamées aujourd’hui par les Congolais.

Les uns et les autres, à Bruxelles comme à Kinshasa, feraient bien de se souvenir de quelques enseignements du passé : réclamée par Mobutu, appliquée avec zèle par Bruxelles, la suspension de la coopération avait une seule victime et de taille, la population congolaise. Pire encore, la rupture avec la Belgique, désavouée par une population attachée à ses « oncles », accéléra la fin du long règne de Mobutu. Faute d’une solution politique négociée à Kinshasa et soutenue par Bruxelles, c’est la voie militaire qui l’emporta et le Congo, aujourd’hui encore, pleure ses millions de morts.

L’annonce faite, le 10 janvier dernier, par la Belgique, d’une révision de la coopération belge au Congo et plus particulièrement de l’aide financière au gouvernement congolais, pour un montant de 25 millions d’euros est aujourd’hui à la base de cette réaction du gouvernement Congolais. Selon la Belgique, il était prévu de réaffecter cette somme à l’aide humanitaire et à d’autres initiatives répondant aux besoins de la population. Si la réaction congolaise se traduit par la fermeture d’Enabel, elle pourrait mettre en péril la coopération belge toute entière, dont le montant total s’élève à 105 millions d’euros par an et qui se déploie dans de nombreux projets très concrets notamment la remise en état des routes de desserte agricole.

Relations fâcheuses

La coopération entre la Belgique et la RDC est souriante mais pénible

La lettre de la diplomatie congolaise à la Belgique affirme que la coopération belge n’est « ni indispensable aux autorités congolaises ni vitale pour la population ». Elle ajoute que « certains partenaires mieux disant peuvent par contre aligner à vue d’œil des réalisations que tant la population que les autorités congolaises utilisent avec satisfaction au quotidien ».

Le texte issu du Ministère des affaires étrangères congolais assure que la coopération belge, au lieu d’être axée sur le renforcement des structures de base pour accompagner le décollage économique du pays, serait plutôt réduite aux interventions humanitaires ponctuelles, pour ne pas dire philanthropiques, paternalistes voire missionnaires… ». Ladite missive se termine par « souverainiste » assurant en substance que la RDC demeure désireuse d’entretenir des relations avec des partenaires respectueux des principes d’égalité et de non-ingérence dans les affaires internes des Etats.

A l’époque du Maréchal Mobutu comme aujourd’hui, sous régime Kabila, Kinshasa considère Bruxelles comme une caisse de résonnance de l’opposition congolaise. Le gouvernement congolais estime plus largement que la Belgique joue de son influence et de la présence de ses diplomates à des postes clés pour tenter d’influencer la position de l’Union européenne à l’égard de la RDC. C’est pourquoi, au-delà de la décision de réaffecter 25 millions d’euros, Kinshasa reproche à la Belgique d’avoir pris sa décision et de l’avoir rendue publique sans concertation préalable.

Le constat à Bruxelles est que d’autres pays de l’Union européenne, dont la France et l’Espagne se montrent moins radicaux, peut- être en espérant limiter les dégâts devant d’autres mesures de rétorsion congolaises, comme la suspension des vols de Brussels Airlines.

Marche pacifique de laïcs catholiques

Selon Bruxelles, ses décisions sont inspirées moins par une éventuelle sympathie à l’égard de l’opposition congolaise comme ne cesse le croire Kinshasa. C’est par l’émotion que suscite en Belgique la répression des manifestations des catholiques dont le seul « crime » est de réclamer, dans la non-violence, que soient libérés les prisonniers politiques et que le président Kabila, dont le mandat a expiré en décembre 2016, renonce clairement à se déclarer candidat à sa propre succession.

Réagissant à cette guerre de correspondances diplomatiques, l’envoyé spécial de la secrétaire générale de l’OIF pour les Grands Lacs, l’ancien président de la Confédération helvétique, Pascal Couchepin, a manifesté son inquiétude sur rfi : « Mon inquiétude, parce qu’au fond, c’est le peuple congolais que l’on punit. Kinshasa peut naturellement avoir le droit de protester », estime-t-il, « mais ne doit pas punir la population. » Pour le diplomate, il s’agit bien d’une « punition » parce que « si les Belges n’ont plus la possibilité de distribuer leur aide, qu’ils sont chassés de l’espace de « bienfaisance » congolaise, si le système Schengen n’est plus accessible, ce sont les Congolais qui sont punis, c’est ni Schengen, ni la Belgique ».

Gel Boumbe

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