RDC : La corruption érigée en système malgré les alertes de l’Episcopat depuis plusieurs décennies

Les élections des sénateurs, des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces organisées récemment au pays ont prouvé que la corruption est érigée en

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Les élections des sénateurs, des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces organisées récemment au pays ont prouvé que la corruption est érigée en système de gouvernance en RDC. La Commission électorale nationale indépendante (CENI), les partis politiques, les indépendants sont bel et bien de grands adeptes de cette antivaleur.

Bien avant ces élections, la population congolaise a avalé des couleuvres avec les résultats des élections présidentielle, législatives nationales et provinciales du 30 décembre 2018. Ainsi donc, le processus électoral initié par la CENI a laissé un goût amer dans le chef des congolais.

Dans leur grande majorité, les députés nationaux élus à la nouvelle législature n’ont aucun ancrage dans la population. Ils sont arrivés là où ils sont suite à certaines démarches non démocratiques. De ce fait, ils se battront pour leurs propres intérêts et non pour le bien-être du souverain primaire.

Le fléau s’est terriblement enraciné dans le pays. Durant sa campagne électorale et depuis son investiture, l’actuel Président de la République a inscrit la lutte contre la corruption à son tableau de chasse. La mission est certes difficile, mais pas impossible. Le pays de Donald Trump, qui a décidé d’un partenariat stratégique avec la RDC, insiste sur la lutte contre la corruption.

Si les acteurs politiques congolais avaient entendu les alertes des Evêques catholiques du Congo et avaient décidé de combattre la corruption, ils auraient pu éviter la descente aux enfers des valeurs morales de l’homme congolais. Bien au contraire, ils ont fait fi de différents messages, appels et déclarations de l’Episcopat congolais et ont solidifié le système de corruption.

Dans sa mission prophétique, l’Episcopat congolais avait vu le mal de très loin et n’avait cessé de le prévenir au fil des ans. Aujourd’hui, le mal est extrêmement profond. Ayant gagné les élections avec la corruption, un acteur politique du Parti du peuple pour la reconstruction et le développement (PPRD) a laissé entendre que son parti demeure la première force politique du pays. Peu importe la manière d’y arriver.

Pourtant, les Evêques catholiques ne se sont pas fatigués de marteler sur la question de la corruption. En relisant quelques uns de leurs appels, déclarations et messages, tout congolais bien intentionné devrait tirer son chapeau bas à titre de remerciement à ces princes de l’Eglise congolaise. Si les acteurs politiques congolais ne voient pas au-delà du bout de leur nez, les Evêques, eux, ont vu plus loin, très loin même. Les conséquences douloureuses sont là présentement.

Nous étions en 1977. Le Mouvement populaire de la révolution (MPR), Parti-Etat du Président Mobutu Sese Seko régnait en maître. En libres penseurs, dans leur lettre pastorale intitulée « Tous solidaires et responsables » du 25 février 1977, les Evêques de la Conférence Episcopale du Zaïre (CEZ) devenue aujourd’hui Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), écrivaient : « La soif exagérée des biens temporels et des honneurs pousse beaucoup d’entre nous à employer des moyens frauduleux pour gagner de l’argent ou pour obtenir une promotion. La soif de l’argent en particulier est encouragée par une corruption qui s’institutionnalise sous toutes ses formes au détriment des plus pauvres, exploités par ceux-là mêmes qui devraient venir à leur secours. La conséquence en est que, dans de telles situations, le sens de l’honnêteté disparaît. La conscience professionnelle s’émousse, le repli égoïste sur soi obscurcit le sens de Dieu et le sens des autres et affaiblir la vie chrétienne. Dès lors, le sens du service dévoué à la patrie et aux autres ne peut que se perdre ».

Jusqu’à ce jour, ces écrits restent d’actualité et coïncident curieusement avec les antivaleurs qui ont élu domicile dans la société congolaise. Infatigables sonneurs d’alarme, ils lançaient un « Appel au redressement de la Nation », à l’issue de leur 14ème Assemblée Plénière de 1978 : « Réunis en Assemblée Plénière à Kinshasa, nous, Evêques Catholiques du Zaïre, avons étudié les problèmes urgents, que la situation actuelle dans notre pays pose à notre conscience de citoyens et de pasteurs. En effet, engagés activement dans différents secteurs de la vie nationale, nous assistons tous impuissants à la dégradation continuelle de la situation. Relevons entre autres : irresponsabilité et inconscience, corruption, injustices sous toutes les formes, immoralité publique, rareté des denrées alimentaires et de produits pharmaceutiques, délinquance juvénile, recrudescence de la violence… »

Cela va sans commentaire de notre part. Ils n’ont pas hésité à enfoncer le clou lors de la célébration de 25 ans d’indépendance du pays. Dans un message au peuple zaïrois d’hier, congolais d’aujourd’hui, les Evêques écrivaient le 6 juillet 1985 : « Nous devons nous engager résolument à combattre les habitudes de corruption, à résorber la crise des modèles et à travailler inlassablement pour la prospérité de notre pays. La pénurie des biens et des services, l’impunité des coupables ainsi qu’un certain renversement de l’échelle des valeurs morales sont en bonne partie à la base de la corruption qui s’étend et de la crise des modèles qui persiste ».

L’occasion faisant le larron, à la Conférence nationale souveraine (CNS), l’Episcopat congolais a fait une déclaration le 30 mai 1992. Dans un point intitulé « La IIème République et ses erreurs », les Evêques notaient : « Pouvant créer de toutes pièces une nouvelle norme éthique, nos dirigeants n’étaient plus tenus par l’obligation d’éviter le mensonge ni de s’astreindre aux exigences de ce qui est juste et vrai. Par là l’impunité fut légitimée. C’est alors que la vérité objective et la vertu en général commencèrent à gêner et à faire peur. Les personnes vertueuses devaient être corrompues, perverties et si nécessaire combattues. Cette volonté de pervertir doublée de la joie de rendre tout le monde coupable et complice du mal, renforça le penchant naturel au vice et rendit plus facile et presque normale en certains milieux de la communauté nationale, la pratique impunie du mensonge, de la délation, de la calomnie et de la diffamation ».

Les acteurs politiques demeuraient sourds aux cris des Evêques. Malgré cela, fidèles à leur mission prophétique, ils ont continué à interpeller la conscience des acteurs politiques. Le 11 juillet 2008, donc après la célébration du 48ème anniversaire de l’indépendance du pays, l’Episcopat congolais a publié « Il est temps de nous réveiller (Rm 13,11b) ». C’était un appel à la vigilance pour sauvegarder la souveraineté nationale et bâtir notre destinée. Dans un point intitulé « les situations préoccupantes », il y avait un sous-point sur la corruption. Ils ont écrit : « Dans notre pays, autant chez les Congolais que chez les partenaires de la Communauté internationale, la corruption a atteint des proportions aussi inquiétantes qu’insupportables. Cela interpelle notre cœur de pasteurs. Aujourd’hui tous les services se monnayent et s’achètent en bonne conscience. Même ceux qui se disent chrétiens ne se gênent plus de monnayer des décisions politiques, économiques, judiciaires, voire académiques. Comme au temps de la vigne de Nabot, l’argent achète tout et le pauvre se fait  déposséder de ses biens (cf. 1R. 21,1-16). La corruption est devenue le cadre général de vie et d’action socio-politique en RD Congo. Il y a péril en la demeure. Pour bâtir un grand Congo ne serait-il pas urgent de décréter une année de lutte contre la corruption ? »

Le 23 juin 2017, la corruption est revenue dans leurs messages. Les Evêques catholiques ont rendu public un message intitulé « Le pays va très mal. Debout Congolais ! », à l’issue de leur 54ème Assemblée Plénière. « La corruption, l’évasion fiscale, le détournement de fonds publics ont atteint des proportions inquiétantes à tous les niveaux. Un groupe de compatriotes, abusant manifestement de leur pouvoir, s’octroient des avantages économiques faramineux au détriment du bien-être collectif ».

Comme on peut le constater les princes de l’Eglise catholique de la RDC n’ont jamais cessé d’interpeller la conscience de la population en général et des acteurs politiques en particulier sur la question de la corruption. Ils n’ont pas été entendus et cette antivaleur gangrène aujourd’hui la vie nationale.

En principe, ils émettent maintenant sur la même longueur d’onde que l’actuel chef de l’Etat, qui a inscrit la lutte contre la corruption à son agenda.

Fidèle à sa mission prophétique, l’Episcopat congolais a déjà fait savoir aux nouveaux dirigeants les attentes du peuple congolais. « Pour rassurer le Peuple, nous invitons les nouveaux Gouvernants à rompre radicalement avec les antivaleurs des anciens régimes et à donner des assurances concrètes d’une meilleure gouvernance », a écrit le Comité permanent de la CENCO, dans une déclaration intitulée « la vérité vous rendra libres (Jn 8,32) », à l’issue de sa session ordinaire du 27 au février 2 mars 2019.

Espérons que cette fois-ci, les avocats du Congo profond seront entendus et tourneront définitivement la page des antivaleurs, surtout celle de la  corruption, dans leurs messages pour se focaliser sur des sujets susceptibles d’aider le pays à avancer dans le sens du développement. La CENCO fait son travail de sentinelle de la « Cité », avant de tirer sur elle à boulets rouges, il faut bien réfléchir.

Jean-René Bompolonga

 

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