Joseph Kabila : « La Constitution est sacrée… Je n’y toucherai donc pas. Le pouvoir use. Il faut savoir s’arrêter »

On se rappelle que le 12 juin 2007 en début de matinée, Joseph Kabila, alors qu’il avait encore 36 ans, reçoit Jeune Afrique  conduit par François Sou

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On se rappelle que le 12 juin 2007 en début de matinée, Joseph Kabila, alors qu’il avait encore 36 ans, reçoit Jeune Afrique  conduit par François Soudan pour sa première grande interview  de l’année intitulée « Kabila, carte sur table ». Selon Jeune Afrique, à l’écouter parler de sa voix à la fois adolescente et métallique ….on se demandait comment le fils du très autoritaire et très tonitruant Laurent-Désiré Kabila peut porter sur ses épaules le poids d’un pays continent aussi peuplé que la France.

Joseph Kabila et Joao Lurençio

Toujours dans l’introduction de l’interview, sept pages, le magazine décrit : «  cet homme secret, introverti et énigmatique recèle en vérité une grande habilité politique, une évidente force de caractère, un vrai courage physique, et cette sorte d’aura ambiguë que projettent autour d’elles les personnalités indéchiffrables aux réactions imprévisibles. »

Joseph Kabila le sait, la situation reste mouvante.  Du Katanga aux Kivu en passant par l’Ituri et le Kasaï, les tensions sont toujours vives. Kinshasa, mégalopole polluée, vibrante et anarchique de plus de sept millions d’habitants, peine à se relever. Partout les fruits de la paix et de la démocratie se font attendre pour une population exsangue, prompte à fustiger les lenteurs et les lourdeurs d’un gouvernement  obèse et d’un régime vers la fin de son règne.

Après la mort de l’état de grâce les 22 et 23 mars 2007, suite aux affrontements entre la Garde républicaine et les miliciens de l’ancien vice-président de la République Jean-Pierre Bemba, l’état de grâce était une fois de plus assassiné par  les émeutes des 19 et 20 septembre 2016, suite à la marche pacifique du Rassemblement des forces vives acquises au changement qui tient sur le respect de la Constitution. Autant d’autres personnes sont tombées lors de marches pacifiques organisées par le Comité laïc de coordination (CLC), réclament l’application de l’Accord de la Saint Sylvestre. A part les dégâts matériels, une importante perte en vies humaines des 102 personnes, selon l’UDPS, à été enregistrée dans le rang des manifestants : l’Opposition.

De tout cela et de bien d’autres, Kabila a parlé sans détour, carte sur table. L’entretien a eu lieu,le 12 juin 2007, à la cité de l’Union Africaine au camp militaire colonel Tshatshi, après avoir présidé le Conseil de gouvernement d’Antoine Gizenga. Il a répondu aux 57 questions et sous-questions de notre confrère François Soudan, publié à Jeune Afrique n° 2424 du 24 au 30 juin 2007. Parmi lesquelles nous vous proposons douze seulement que nous avons tiré du lot.

Gel Boumbe

Voici les douze questions tirées de l’entretien pour nos lecteurs :

Jeune Afrique : Il y faut aussi des conditions. La bonne gouvernance en est une. Dans vos discours, vous ne cessez  de fustiger ce que vous appelez  « les antivaleurs » : corruption, gabegie, détournements, etc. Fort bien.  Sauf que ce terme d’ « antivaleurs » a été forgé par un certain Mobutu Sese Seko, qui prétendait lutter contre, avec les résultats que l’on connaît. Quelles garanties ont les Congolais que l’Histoire ne se répétera pas ?

 

Kabila président

Joseph Kabila

Joseph Kabila : Mobutu pouvait effectivement faire ce genre de promesses sans que cela soit suivi d’effets. Mais le gouvernement d’aujourd’hui n’est pas celui de Mobutu. Il est issu d’élections démocratiques qui se renouvelleront à l’avenir et il a donc tout intérêt à tenir ses obligations des résultats. Deux exemples : la réforme en cours de la justice et la Commission de révision des contrats miniers. Et puis, c’est une affaire de conviction. La bonne gouvernance est une exigence des Congolais, je me dois d’y répondre.

Depuis, l’Opposition semble avoir pris la tête du Sénat. Avez-vous été surpris par l’élection de Kengo wa Dondo à la présidence de la Chambre haute du Parlement ?

 En politique, il faut s’attendre à tout. Je suis un démocrate, je l’ai prouvé, j’ai donc accepté ce résultat sans état d’âme

.D’autan plus que Kengo a été élu avec des voix issues de votre propre majorité…

 Oh, vous savez, j’ai moi aussi été élu avec des voix issues de l’Opposition !

Derrière KengowaDondo, les anciens mobutistes ont fait un retour en force au Sénat. Tous y occupent des postes importants. Ce n’est pas évident de devoir cohabiter avec les collaborateurs de celui que votre père a combattu  pendant quarante ans…

Les membres de la Cour constitutionnelle après la prestation de serment au Palais du peuple

 Notre combat était dirigé contre un régime et un système, le mobutisme. Aujourd’hui, le mobutisme a disparu. Tous ceux qui ont travaillé avec Mobutu sont désormais des citoyens comme les autres, avec les mêmes devoirs et les mêmes droits, dont celui de faire partir de l’élite politique de ce pays. Ceux dont vous parlez ont été élus. C’est cela aussi la démocratie. Je ne pense pas aussi qu’ils ont pour objectif de restaurer les habitudes et les errements du passé. Si tel était le cas, nous leur barrerions la route.

Il y a aussi, dans l’Est, quelques milliers d’irrédentistes hutus rwandais opposés au régime de Kigali, ex-génocidaires et interahamwes de la première, voire de la seconde génération…

 Six milles hommes à peu près, soit cinq fois moins qu’il y a dix ans. Pour eux, il y a deux options : soit ils déposent les armes et rentrent chez eux au Rwanda, soit nous les désarmons de force et nous les expulsons.

La Constitution vous donne droit à deux mandats de cinq ans. Vous devez donc, si vous êtes réélu, quitter le pouvoir au plus tard en 2016, à l’âge de 45 ans. Ne serez-vous pas tenté de faire modifier cette disposition pour demeurer aux affaires ?

 La Constitution est sacrée…

Certains de vos pairs l’ont dit. Avant de changer d’avis ?

 Mais Joseph Kabila n’est pas comme les autres. J’ai donné ma parole d’honneur en promulguant cette Constitution. Je n’y toucherai donc pas. Le pouvoir use. Il faut savoir s’arrêter.

Doit-on vraiment vous croire ?

 Je vous donne ma parole d’officier. Que voulez-vous de plus ?

Votre gouvernement compte soixante ministres et vice-ministres. Êtes-vous sûr d’aucun d’entre eux ne songe à profitez de son poste pour s’enrichir ?

Le Premier ministre Bruno Tshibala et les membres de son gouvernement

Je l’ai clairement dis en Conseil des ministres : ce type de mentalité est désormais banni.

Et si l’un d’entre eux est attrapé la main dans le sac ?

 Sa destination est toute trouve : la prison de Makala.

A qui pensez-vous ?

 Je ne vous le dirai pas ! Une chose est sûre : quand on fera le bilan en septembre prochain, il y aura beaucoup de candidats pour Makala.

Manifestement, le mois de septembre sera décisif…

 Ce gouvernement aura six mois d’exercice plein. Il faudra faire le point, redressez ce qui doit l’être et planifier la suite. L’année 2008 devra être celle de la vraie relance économique. Les équipements ont été commandés, les chantiers sont définis, place au décollage.

                                               Jeune Afrique n° 2424 du 24 au 30 juin 2007

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