Le vote de la loi d’exemption de frais de justice aux survivantes de violences sexuelles sera un véritable soulagement pour les familles pauvres.

Le vote de la loi d’exemption de frais de justice aux survivantes de violences sexuelles sera un véritable soulagement pour les familles pauvres.

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En RDC, les frais de justice sont un des principaux obstacles aux survivantes et témoins des violences sexuelles pour saisir la justice. Cette situation fait que des survivantes et témoins n’arrivent pas à ouvrir de dossier judiciaire et moins encore pour ceux qui le font, d’aller jusqu’à l’aboutissement du procès et obtenir le jugement pour réparation. Certaines survivantes se découragent et finissent par abandonner la procédure pendant que les auteurs de ces crimes circulent librement dans la nature. Briser le silence ne suffit pas, il faut avoir de l’argent. C’est pourquoi, le vote de la proposition de loi portant l’exemption des frais de justice pour les survivantes et témoins des violences sexuelles en RDC soulagerait ces derniers, estiment des observateurs.

Rita (nom d’emprunt) fait partie de ces victimes dont les frais de justice a été un obstacle pour la poursuite judiciaire.

En 2019, Rita a été victime d’un viol.  Elle vit dans la commune de Ngaba à Kinshasa avec sa mère et ses trois petits frères. «Notre maman fait les petits commerces pour subvenir à nos besoins », explique-t-elle.

Son violeur n’est autre qu’un garçon de son quartier qui lui faisait la cour…« on causait bien mais je rejetais ses avances parce que je ne l’aimais pas comme un petit ami. Les jours passaient et un jour », raconte-t-elle.

Le jour de son anniversaire, le garçon lui a proposé de lui offrir une boisson pour l’occasion et c’était le cauchemar de sa vie. Le garçon a mis de la drogue dans sa boisson à son insu et elle s’est retrouvée dans un lit. Il avait abusé d’elle.

“Quand je me suis rendue compte de ce qui s’est passé, j’ai pleuré.  Je me suis sentie sale et idiote pour n’avoir pas compris le jeu de ce garçon”, raconte-t-elle.

Une fois chez elle, Rita n’a pas osé en parler à sa mère craignant sa réaction. “Ce n’était pas facile pour moi d’en parler, car j’étais encore sous le choc…je n’ai pas fermé l’œil de la nuit… j’avais mille questionnements dans ma tête… et si je tombais enceinte? Et si ma mère me chassait de la maison? J’étais très perturbée”. Ce n’est qu’au bout d’une semaine qu’elle a eu enfin le courage d’en parler a sa tante maternelle qui à son tour est allée raconter à sa mère ce que Rita avait subie

En apprenant la nouvelle, ma mère était furieuse. «On est allé au poste de la police du quartier. Il fallait payer pour deposer la plainte, ce que ma mère a fait, le jour suivant, il fallait payer pour le mandat de comparution et mandat d’amener mais ma mère était limitée, on n’avait pas assez de ressources car la procédure coûtait chère. Nous avions eu le soutien de ma tante, on m’a emmené à l’hôpital pour passer le test de grossesse, heureusement il s’est avéré négatif.  Ma tante était allée menacer mon bourreau mais il a tout nié. Il nous fallait un avocat mais nous n’avions pas d’argent et nous étions dans l’incapacité de poursuivre la procédure », explique Rita. “Mon regret est que jusqu’à ce jour, le Monsieur a emménagé dans une autre commune et il circule librement”, revèle Rita avec angoisse.

Il y a plusieurs cas comme ça à Kinshasa où les frais de justice constituent un véritable obstacle pour les familles des survivantes démunies se retrouvant impuissantes devant les auteurs de violences sexuelles.

Un autre cas est celui de Kerène. Elle a eu plus ou moins la chance d’avoir échappé au viol grâce à l’arrivé de sa mère lorsque son beau-père  voulait abuser d’elle. « Pendant un bon moment mon beau-père me harcelait mais je ne l’avais jamais dit à ma mère de peur de créer le conflit dans leur couple », confie Kerène.

Elle dit avoir toujours évité de rester seule avec son beau-père connaissant les intentions de celui-ci. Mais ce jour-là, la mère de Kerène a surpris son mari en train de faire des attouchements à sa fille, Elle l’a saisie et s’est mise à crier. C’était un gros scandale dans la parcelle et la mère de Kerène a décidé de le quitter sur le champ… mais elle n’avait pas l’intention de porter plainte. C’est une voisine qui lui a suggéré de porter plainte. “Je suis allée au poste de police le plus proche, j’ai porté plainte, ma fille a fait une déposition tout en dénonçant les harcèlements qu’elle subissait… on a dû payer, on a encore payé pour la convocation à la comparution de mon ex-mari, nous avons payé plusieurs autres frais pour constituer un dossier mais le monsieur est  encore en liberté”, se plaint la mère de Kerène. Cette dernière a dépensé toutes ses petites économies mais rien n’avait vraiment avancé… il fallait encore d’autres frais mais ça coutait cher. Aujourd’hui le beau-père de Kerène et la mère de Kerène sont séparés mais il n’a jamais payé pour ses forfaits.

Pour le député national Juvénal Munubo, c’est à cause de ce genre de cas qu’ils ont proposé la loi portant exemption des frais de justice pour les survivantes et témoins des violences sexuelles en République démocratique du Congo, ainsi que des personnes vivant avec handicap et celles du troisième âge.

Cette loi en gestation modifie et complète le décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale congolais.

Selon l’élu de Walikale une fois la loi promulguée et appliquée ça sera une  réponse pour  nombreuses victimes qui ont des éléments de preuves mais n’ont pas pu porter plainte parce qu’elles n’avaient pas de moyens pour payer les frais de justice. “ Ce n’est pas facile d’obtenir le certificat d’indigence au Congo. Il arrive que même si on l’avait obtenu, il y a toujours des frais”, souligne Juvénal.

Juvénal Munubo note qu’étant sensible à des questions de droits humains, son souci est que la justice soit équitable pour tout le monde. “C’est un aspect qui semblait être oublié. Avoir privilégié cette catégorie de personnes est une discrimination oui, mais positif qui a pour objectif de faire valoir l’équité aux droits fondamentaux”, précise l’élu de Walikale.

Parlant de l’impact de cette loi, Munubo est convaincu que la promulgation de cette loi soulagerait des familles et plus encore si elles arrivaient à obtenir réparation. “Ça aura une incidence positive sur les familles démunies”.

Pour sa part, Maître Liévin Gibungula coordonnateur du collectif des avocats de la Ligue de la zone Afrique pour la défense des droits des enfants et élèves (LIZADEEL) affirme que la Lizadeel a eu plusieurs cas dont certaines victimes et même ONG n’étaient pas à mesure de payer les multiples frais exigés en justice et certains dossiers demeurent en justice sans une seule suite jusqu’à ce jour.

“Vraiment nous comptons beaucoup aux deux chambres du parlement qui vont se prononcer à la session de septembre pour voter massivement cette loi de manière à permettre à notre population de retrouver ses droits”, indique Maître Gubungula.

En effet, Me Gibungula espère que cette loi sera une parmi les solutions pour sauver les survivantes qui ont longtemps souffert sans une solution pour leur accès en justice sans conditions. Aussi cette loi permettrait à un bon nombre des victimes à se présenter en justice pour ceux qui hésitaient.

Ce défenseur des droits des femmes et des enfants est convaincu que le vote de cette loi aura un impact très profond sur toutes les survivantes et témoins qui approcheront les tribunaux et parquets parce que l’obstacle qui les empêchait est écarté.

“Je rassure en plus que tous les nombreux dossiers dont nous avons assisté de nombreuse survivantes où la majorité, nous avons gagné de procès malheureusement les parties civiles demeurent sans une seule indemnisation à cause de frais de 6% de droits proportionnels exigés par la loi pour bénéficier de dommages et intérêts devant une juridiction”, regrette Me Lievin.

Il sied de rappeler ici que c’est depuis le 28 janvier 2022 que les organisations de la société civile, les Jounalistes pour le droits humains et des députés ont accompagné le député Juvénal Munubo pour déposer l’avant proposition de la loi  d’exemption des frais de justice pour les survivantes et témoins des violences sexuelles en RDC.

Faisant suite de l’évolution de la loi, Juvénal informe que la proposition a été envoyée au bureau d’étude pour un avis technique. “L’avis a été favorable à la loi et la loi a été transmise au gouvernement pour les observations. Là on attend la réponse du gouvernement pour que le bureau de l’Assemblée nationale programme ladite loi en plénière”, rapporte le député Munubo.

Pour ce faire, Juvénal Munubo invite les acteurs de la société civile à fournir encore d’efforts en menant des actions des plaidoyers des actions de lobbying et des suivis pour qu’au moins à la session de septembre même si elle sera essentiellement budgétaire, mais que cette loi soit examinée au cours de cette session.

 

Petronelle Lusamba, JDH

 

 

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