Absence d’unanimité sur le projet de construction du pont Kinshasa-Brazzaville : Point de vue de Mgr Daniel Nlandu, Evêque de Matadi

Un projet de la Banque Africaine de Développement (BAD)  vise à relier par un pont-route-rail les deux capitales les plus rapprochées du monde, à savo

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Un projet de la Banque Africaine de Développement (BAD)  vise à relier par un pont-route-rail les deux capitales les plus rapprochées du monde, à savoir Kinshasa et Brazzaville respectivement la capitale de la République Démocratique du Congo (RDC) et de la République du Congo.

Mgr Daniel Nlandu Mayi, Evêque de Matadi

Malheureusement, ce gigantesque et ambitieux projet est loin de faire l’unanimité entre les deux rives. Si du côté de Brazza (Congo) on loue l’initiative, mais du côté de Kinshasa et précisément les notables et la société civile de la Province du Kongo Central dans l’extrême Ouest de la RD Congo, s’y oppose farouchement à cette éventualité. C’est dans cette optique que l’agence catholique de presse Diacenco a approché S.E. Mgr Daniel Nlandu Mayi, Evêque du diocèse de Matadi dans la Province du Kongo Central, en vue de recueillir son point de vue sur cette question brûlante d’actualité, en tant que Pasteur de l’Eglise catholique de cette région portuaire.

Hormis son point de vue sur cette question qui divise, Mgr Nlandu a passé en revue plusieurs autres défis dont son diocèse est confronté notamment sur le plan pastoral, social, vocationnel mais aussi de la vie des prêtres, des paroisses et quelques grands projets phares à venir. L’intégralité de ladite interview dans ce jeu des questions-réponses, ci-dessous :

Dia : Excellence, comment se porte le diocèse de Matadi sur le plan pastoral, social et vocationnel ?

Mgr Daniel Nlandu (MDN) : Avant toute chose, je vous remercie de tout cœur pour l’attention que vous accordez à notre travail pastoral dans cette circonscription ecclésiastique. Pour répondre directement à votre question, Matadi est un des diocèses sur 47 que compte notre pays, la R.D. Congo. Il fait partie de la province ecclésiastique de Kinshasa et se situe dans la partie Ouest de notre pays précisément dans la province du Kongo Central. Il partage les mêmes frontières avec les diocèses de Kisantu à l’extrême Est, celui de Boma à l’Ouest et de Mbanza-Kongo (en Angola) au Sud.

Sa superficie est de 31.000Km. Il est subdivisé en sept doyennés (Kinzau Mvuete, Matadi, Kimpese, Luozi, Mangembo, Mbanza-Ngungu, Kwilu-Ngungu, Kwilu-Ngongo) et 80% de la population de sa circonscription est catholique.

Sur le plan pastoral, social et vocationnel, il y a plusieurs défis à relever et pour lesquels le Synode diocésain que j’ai initié il y a maintenant 5 ans qui, après analyse de la situation générale du diocèse, a présenté un vaste chantier, s’il faut le dire ainsi.

Sur le plan pastoral, on a évoqué en premier lieu la redynamisation de nos CEVB, la formation des agents pastoraux notamment des responsables des groupes organisés et des commissions diocésaines mais aussi le renforcement de la catéchèse au niveau des écoles, des mouvements d’enfants et dans la préparation aux sacrements (mariage, confirmation etc.)

Sur le plan social, c’est surtout la situation sociale et financière des prêtres, la relance de certains projets d’autofinancement dans nos paroisses et la réhabilitation de certaines structures paroissiales devenues vétustes. Et pour cela, il a été suggéré l’instauration d’une espèce de contribution mensuelle à laquelle tout le monde (prêtre, religieux et laïcs) devait souscrire. Une carte appelée « Beto Tungulula diocèse na beto » (Reconstruisons notre Diocèse) a été imprimée et distribuée à tous les fidèles.

Sur le plan vocationnel, on a travaillé sur l’implantation de la commission de vocation dans toutes les paroisses. Les aumôniers des mouvements des jeunes et surtout des enfants ont été instruits dans l’orientation à donner dans les enseignements et dans les entretiens avec ces jeunes en vue de les aider à bien discerner dès le bas âge leur vocation.

Dia : Quel est le nombre exact des prêtres aujourd’hui dans votre diocèse, des paroisses et quel est le degré de collaboration de l’évêque que vous êtes avec les autres instituts de vie consacrée implantés dans votre diocèse ?

MDN : Actuellement le diocèse de Matadi compte 170 prêtres, 42 paroisses et 13 sous paroisses. Il existe une très bonne collaboration entre les prêtres, les paroisses et même des communautés religieuses. Depuis la célébration du Synode diocésain qui avait pour thème « Que tous soient un et vous serez mes témoins », le travail pastoral vibre au rythme des résolutions de cette grande assemblée diocésaine. C’est en se tenant les mains pour marcher ensemble, c’est-à-dire à collaborer qu’on parvient à l’aggiornamento tant souhaité par tous. C’est donc le Synode diocésain qui a scellé cette bonne collaboration qui anime tout le monde dans les doyennés comme dans les paroisses ainsi qu’au niveau des commissions diocésaines. C’est pareil pour les instituts de vie consacrée implantés dans mon diocèse. Ils s’efforcent de vieller aux résolutions du Synode, ils harmonisent leurs activités en fonction du plan pastoral d’ensemble et tiennent l’Evêque au courant de toutes les situations de leurs communautés.

Dia : Quels sont les éventuels projets à venir au diocèse de Matadi ?

MDN : Plusieurs projets sont en chantier : il y a des églises en construction dans deux paroisses du doyenné de Matadi, des presbytères à réhabiliter, des écoles nouvellement construites et d’autres réhabilitées. Aussi, il y a le chantier de notre Radio et Télévision diocésaine (RTDM) qui sera dotée dans quelques années d’un immeuble (maison de la Radio à Kinkanda/Matadi). Je voudrais aussi signaler que nous venons de construire à Matadi une menuiserie moderne qui est déjà fonctionnelle depuis 14 ans. A côté de cela, il y a un vaste projet d’agriculture mécanisée dans la mission de Nkolo et la Caritas Développement est à pied d’œuvre pour suivre la réalisation de toutes ces activités.

Dia : Excellence, l’actualité aujourd’hui c’est l’absence de l’unanimité en ce qui concerne le projet de construction du pont entre Kinshasa et Brazzaville dont la majorité de notables de votre diocèse s’opposent. Quelle est votre position personnelle en tant que Pasteur de l’Eglise-Famille de Dieu qui est à Matadi ?

MDN : Parlant de l’actualité en rapport à la construction du pont-route-rail entre Kinshasa et Brazzaville, en tant que Pasteur je dois être à l’écoute de mes fidèles. Tout le monde le sait que de façon unanime toute la population de la province du Kongo Central n’est pas favorable à la réalisation de ce projet. L’opinion pense que ce projet mettrait par terre les deux villes portuaires de notre pays (Matadi et Boma). Voilà pourquoi le souhait de tous va plutôt dans le sens de la construction du port en eau profonde à Banana. Ce schéma ne serait pas mauvais surtout pour le développement de la province du Kongo Central. Si déjà à son temps le Maréchal Mobutu avait initié la construction d’un pont OEBK à Matadi ce fut en rapport à ce gigantesque projet. Si la majorité des notables de mon diocèse s’y oppose c’est parce qu’ils ne veulent pas voir le leur s’appauvrir davantage et certains de leurs villages qui ne vivent que soit de la route ou du chemin de fer devenir demain des vastes ilots de misère. Soutenir un tel projet qui profite aux uns (Brazzaville) au détriment des autres (Kongo Central), à mon humble avis, n’est pas juste. Le souhait de tous est de voir notre pays aller de l’avant et nos différents milieux de vie nous offrir des conditions de vie dignes. C’est cela d’ailleurs la position de l’Eglise Famille de Dieu qui est à Matadi.

Dia : Quels sont les différents plaidoyers que vous comptez mener dans le futur pour une issue favorable et satisfaisante dans cette affaire qui menace la paix déjà fragile du pays ?

MDN : La position de la CENCO est claire à ce sujet. Dans notre récent message intitulé « Libérez le peuple », nous avons rappelé aux dirigeants actuels que le peuple veut et attend encore le changement qu’il a voulu. Pour tout le monde, les dernières élections du décembre 2018 ont suscité un grand élan d’espoir mais malheureusement le changement souhaité se fait attendre. Notre plaidoyer c’est celui de l’ensemble de la CENCO. Que le chef de l’Etat assume pleinement ses responsabilités de chef de l’Etat et qu’il fasse en sorte que l’Etat de droit qu’il prône devienne une réalité. Et nous rappelons que le droit suppose la justice. Il faudra bien assainir l’instrument juridique de notre pays…telle est à mon avis la voie qui nous conduira vers cette nouvelle ère tant souhaitée et attendue. Le nouveau chef de l’Etat est bien conscient de la situation que nous vivons et il a promis aux évêques de continuer sur la même lancée que son défunt père qui n’a lutté que pour le peuple. D’où le slogan « le peuple d’abord ».

Dia : Un message d’espérance à vos diocésains de Matadi en ce moment particulier que traverse le Kongo Central ?

MDN : L’espérance ne déçoit pas. C’est donc à l’espérance que j’invite tous mes diocésains en particulier et le peuple congolais en général. Nous venons de loin, mais nous avons encore du chemin à parcourir. Et pour cela tenons-nous la main dans la main et ne lâchons pas garde. Face au régime actuel, il y a des acquis et des avancées qu’il nous faut tous bien comprendre et qu’on ne doit jamais chercher à perdre.

Propos recueillis par Junior Kitambala

 

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